Depuis la publication des indices de position sociale des établissements scolaires, les ruptures d’égalité entre territoires sautent aux yeux. Un « choc » qui génère de l’incompréhension chez les familles des élèves inscrits dans les établissements exclus des réseaux d’éducation prioritaire malgré un environnement moins favorable à la réussite scolaire.
IPS des écoles, collèges et lycée de Mennecy à la fin de cet article
Chiffres-clés
21,6% des collégiens du secteur public étaient inscrits dans un collège REP ou REP + (rattachement qui ne concerne que les établissements urbains), à la rentrée 2020. En élémentaire, 20,3 % des élèves sont scolarisés en REP ou REP+. Source : ministère de l’Education nationale, septembre 2020
Ce 17 janvier, c’est le sentiment d’injustice qui a poussé une cinquantaine de parents d’élèves à occuper le groupe scolaire Jean-Renoir à Noisy-le-Sec (45 000 hab. Seine-Saint-Denis) pour réclamer des moyens. En octobre, ils ont découvert l’indice de position sociale (IPS) de leur école, variable qui permet de savoir si les élèves sont, en moyenne, plus ou moins issus d’un milieu social favorable à leur réussite scolaire.
Il synthétise le capital social, économique et culturel des parents. Il est d’autant plus élevé que le contexte familial est bénéfique aux apprentissages. Or, à 67,9, l’IPS de Jean-Renoir est beaucoup plus bas que les parents ne l’imaginaient : de 20 points inférieur à la moyenne de la ville et de 33 en dessous de celle de l’académie de Créteil. Surtout, il est moins haut une l’indice des écoles voisines, qui sont classées en réseau d’éducation prioritaire (REP).
Discussion avec les préfets
Avec près de 400 élèves, de la petite section au CM2, ce groupe scolaire fait partie des écoles dites « orphelines » qui cumulent les difficultés sociales sans bénéficier des moyens des REP et REP+, faute d’un classement de leur collège de rattachement au dispositif de l’éducation prioritaire. Or, « le dédoublement des classes soulagerait énormément les professeurs ! » s’emporte Clarisse Heusquin, dont le fils est scolarisé dans une classe de grande section de maternelle de 28 élèves. Après des années d’obstruction du ministère de l’Education nationale, le tribunal administratif de Paris a exigé, dans une décision rendue le 13 juillet 2022, la publication de ces chiffres, à la suite du recours déposé en décembre 2020 par le journaliste de « La Gazette » Alexandre Léchenet.
Depuis, les IPS nourrissent la fronde de parents, qui se sentent laissés-pour-compte. « Après le choc de ces chiffres, ça bouillonne ! » confirme Isabelle Lacroix, coprésidente de la FCPE 93, qui a déjà reçu des courriers de la part de cinq collectifs de parents en colère.
Car, avec ces indices, les inégalités territoriales deviennent criantes. « Pourquoi certaines écoles parisiennes sont-elles classées REP alors qu’elles ont des IPS supérieurs à 100 ? dénonce Julie Grünebaum, adjointe au maire (PCF) de Noisy-le-Sec, déléguée aux droits de l’enfant, à la réussite éducative et à la restauration. La parole de terrain n’est pas prise au sérieux par l’Education nationale. Cet indicateur vient la légitimer ! »
« C’est maintenant une donnée publique et les familles vont s’en saisir ! Un argument à faire valoir dans nos discussions avec les préfets », prédit Delphine Labails, présidente de la commission « éducation » de l’Association des maires de France, qui s’attend à de fortes mobilisations en raison de « la saignée de fermetures de postes » dans nombre de territoires.
Les maires non informés
La publication des IPS alimente aussi un ressentiment envers les pouvoirs publics. « Ils savaient mais n’ont rien fait ! accuse Servane Marzin, parente d’élève au collège Lavoisier de Pantin (60 400 hab., Seine-Saint-Denis), écarté des REP alors que son IPS 2021-2022 n’est que de 76,7. Nous n’avons pas d’infirmière scolaire, ni d’assistante sociale, le bâti est abîmé, les dotations financières revues à la baisse, trois classes vont fermer… »
« Ils », pour les parents, c’est l’Etat, mais aussi, parfois, les collectivités, soupçonnées de vouloir préserver l’image d’une ville ou d’un quartier. « Je suppose que le maire connaissait l’IPS du collège mais qu’il ne souhaitait pas soutenir son classement en REP pour éviter que tous les collèges de la ville ne le soient », avance-t-elle. Ce dont se défend l’édile (PS), Bertrand Kern. « Les IPS n’ont jamais été communiqués à la collectivité ! De toute façon, c’est le département qui définit la carte scolaire. En revanche, je fais tout pour obtenir plus de moyens pour mes écoles élémentaires », s’insurge-t-il. Julie Grünebaum, à Noisy-le-Sec, n’a pas non plus été mise au courant des IPS. « Nous les avons découverts en même temps que les familles, assure-t-elle. C’est bien la preuve que l’Etat n’est pas dans une logique de partenariat ! »
Un risque de concurrence
Selon Guénaël Levray, adjoint au maire (PS) des Ulis (25 200 hab. Essonne), chargé de la vie éducative et de la jeunesse, « l’IPS est la goutte d’eau qui fait déborder le vase ». Il a soutenu la manifestation de parents d’élèves en janvier pour réclamer le classement en REP du collège Mondétour : « Cela fait des années qu’ils réclament des moyens. C’est injuste d’écarter un collège parce que son IPS [91,7 en 2021, ndlr] est de quelques points supérieur à d’autres collèges en REP. Mais l’Education nationale ne vit et ne respire que par des effets de seuils ! Les tensions, les incidents et les exclusions ne sont pas du tout pris en compte. On ne devrait pas se figer sur les données sociales. »
D’autant que l’IPS étant basé sur les professions et catégories socioprofessionnelles des familles, enregistrées par les établissements, « il est soumis à une certaine marge d’erreur », prévient le ministère. Le risque pour l’élu des Ulis, « c’est qu’il soit utilisé par les parents pour alimenter la concurrence entre établissements ». D’après Bertrand Kern, il met surtout en évidence que les parents évitent d’inscrire leurs enfants dans certains établissements « face à la dégradation des conditions d’enseignement ».
Pap Ndiaye, ministre de l’Education nationale, a annoncé, le 9 décembre, la refonte de la carte de l’éducation prioritaire. On n’a donc pas fini d’entendre parler de l’IPS…
IPS: comment ça marche?
L’indice de position sociale (IPS) permet d’appréhender le statut social des élèves à partir des professions et catégories sociales (PCS) de leurs parents. Pour chaque PCS, la valeur numérique de l’IPS correspond à un résumé quantitatif d’un ensemble d’attributs socio-économiques et culturels liés à la réussite scolaire.
Concrètement, pour déterminer les valeurs associées à chaque PCS, nous avons considéré la moyenne pondérée de caractéristiques telles que les diplômes, les pratiques culturelles, les conditions matérielles, le capital culturel et l’implication des parents dans la scolarité. Cette méthodologie statistique est décrite dans l’article de Rocher (2016) et s’appuie sur une méthode d’analyse de données (analyse des correspondances multiples) réalisée à partir du panel de la DEPP d’élèves entrés en sixième en 2007. Les valeurs de référence de l’IPS sont disponibles pour chaque PCS et pour chaque croisement de PCS (mère-père), cf. Rocher (2016).
Ainsi, dès lors que les PCS des parents ont été recueillies, il suffit d’appliquer les valeurs de référence de l’IPS. Le niveau social d’un établissement scolaire est apprécié à travers le calcul de la moyenne des IPS des élèves qui y sont scolarisés.
Il convient de rappeler que, comme tout indice synthétique, il s’agit d’un résumé simplifié de la réalité, qui ne peut rendre compte à lui seul de la complexité de la situation socio-économique et culturelle des élèves accueillis dans un établissement.
Enfin, l’IPS étant basé sur les PCS déclarées par les familles et enregistrées par les établissements, il est soumis à une certaine marge d’erreur : ainsi, il est conseillé de ne pas surinterpréter des différences de 3 points ou moins concernant les IPS moyens des écoles.
Rentrée scolaire | Nom de l’établissment | IPS |
2016-2017 | ECOLE ELEMENTAIRE L ORMETEAU | 116.8 |
2017-2018 | ECOLE ELEMENTAIRE L ORMETEAU | 119.0 |
2018-2019 | ECOLE ELEMENTAIRE L ORMETEAU | 120.5 |
2019-2020 | ECOLE PRIMAIRE L ORMETEAU | 117.7 |
2020-2021 | ECOLE PRIMAIRE L ORMETEAU | 113.3 |
2021-2022 | ECOLE PRIMAIRE L ORMETEAU | 116.9 |
2016-2017 | ECOLE ELEMENTAIRE LA JEANNOTTE | 101.9 |
2017-2018 | ECOLE ELEMENTAIRE LA JEANNOTTE | 103.0 |
2018-2019 | ECOLE ELEMENTAIRE LA JEANNOTTE | 102.5 |
2019-2020 | ECOLE ELEMENTAIRE LA JEANNOTTE | 102.4 |
2020-2021 | ECOLE ELEMENTAIRE LA JEANNOTTE | 103.9 |
2021-2022 | ECOLE ELEMENTAIRE LA JEANNOTTE | 102.0 |
2016-2017 | ECOLE PRIMAIRE LA SABLIERE | 118.1 |
2017-2018 | ECOLE PRIMAIRE LA SABLIERE | 118.5 |
2018-2019 | ECOLE PRIMAIRE LA SABLIERE | 117.3 |
2016-2017 | ECOLE ELEMENTAIRE LES MYRTILLES | 139.5 |
2017-2018 | ECOLE ELEMENTAIRE LES MYRTILLES | 136.1 |
2018-2019 | ECOLE ELEMENTAIRE LES MYRTILLES | 135.2 |
2019-2020 | ECOLE ELEMENTAIRE LES MYRTILLES | 134.8 |
2020-2021 | ECOLE ELEMENTAIRE LES MYRTILLES | 132.8 |
2021-2022 | ECOLE ELEMENTAIRE LES MYRTILLES | 132.7 |
2019-2020 | ECOLE PRIMAIRE COLLINE DE VERVILLE | 121.5 |
2020-2021 | ECOLE PRIMAIRE COLLINE DE VERVILLE | 130.5 |
2021-2022 | ECOLE PRIMAIRE COLLINE DE VERVILLE | 124.2 |
Rentrée scolaire | Nom de l’établissement | IPS |
2016-2017 | COLLEGE PARC DE VILLEROY | 120.2 |
2017-2018 | COLLEGE PARC DE VILLEROY | 118.3 |
2018-2019 | COLLEGE PARC DE VILLEROY | 117.4 |
2019-2020 | COLLEGE PARC DE VILLEROY | 114.6 |
2020-2021 | COLLEGE PARC DE VILLEROY | 115.0 |
2021-2022 | COLLEGE PARC DE VILLEROY | 115.4 |
Rentrée scolaire | Nom de l’établissement | IPS voie GT | IPS voie PRO | IPS Ensemble GT-PRO |
2016-2017 | LYCEE MARIE LAURENCIN | 124.6 | 90.5 | 120.1 |
2017-2018 | LYCEE MARIE LAURENCIN | 124.8 | 89.5 | 120.4 |
2018-2019 | LYCEE MARIE LAURENCIN | 126.9 | 91.7 | 122.3 |
2019-2020 | LYCEE MARIE LAURENCIN | 123.0 | 92.5 | 118.8 |
2020-2021 | LYCEE MARIE LAURENCIN | 119.6 | 88.4 | 115.3 |
2021-2022 | LYCEE MARIE LAURENCIN | 118.0 | 87.7 | 113.9 |