Pour mobiliser les décideurs publics à se lancer dans l’action et à comprendre les enjeux du changement climatique, le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (Giec) a publié le 20 mars 2023 un résumé pour les décideur publics, dont nous vous livrons les principaux enseignements.
Le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (Giec) a publié ce lundi 20 mars un rapport de synthèse d’un vaste travail réalisé depuis 2015. Il regroupe les conclusions des trois volets de son sixième rapport d’évaluation (publiés entre 2021 et 2022) et d’autres part de trois rapports spéciaux (datant de 2018, 2019 et 2020) sur les conséquences d’un réchauffement de +1,5°C et les impacts sur les océans et la cryosphère (ensemble des constituants du système terrestre composés d’eau à l’état solide).
Ce nouveau rapport est donc composé de deux parties : un résumé pour décideurs (37 pages, en anglais et disponible ici) et un texte de synthèse plus long. Nous vous proposons une synthèse des principaux points abordés dans ce résumé pour décideurs.
Le réchauffement est déjà de +1,1°C
Les experts soulignent tout d’abord que, « sans équivoque », ce sont bien les activités humaines – et principalement les émissions de gaz à effet de serre (GES) – qui sont responsables du réchauffement climatique. Il est estimé à +1,1°C entre les périodes 1850-1900 et 2011-2022, avec un impact moins fort sur les mers et océans (+0,88°C) que sur les terres (+1,59°C). Ce réchauffement s’est accéléré au fil du temps, si bien que sur les seules vingt dernières années (2001-2020), la hausse est de +0,99°C.
Le réchauffement a provoqué « des changements rapides dans l’atmosphère, l’océan, la cryosphère et la biosphère (l’ensemble des écosystèmes) », et ce dans toutes les régions du monde, en intensifiant les évènements climatiques extrêmes (canicules, sécheresses, pluies intenses) et en les rendant plus fréquents.
La moitié de la population est particulièrement affectée
Désormais, près de 3,6 milliards d’habitants vivent dans des « contextes hautement vulnérables au changement climatique », ce qui les expose à des problèmes d’alimentation et au manque d’eau. Les communautés les plus affectées sont celles qui ont le moins contribué aux émissions et qui, étant les plus pauvres, ont le moins de moyens pour y faire face. Par ailleurs, il est avéré que les phénomènes de chaleur se sont traduits par une hausse de la mortalité.
Le rapport évoque aussi l’importance des « pertes et dommages » liés au changement climatique qui concernent l’homme (les villes, les infrastructures, …), la biodiversité et les écosystèmes, la production agro-alimentaire ou encore la santé.
« Maladaptation »
Le Giec observe que des lois et politiques d’adaptation ont été mises en place dans toutes les régions avec plus ou moins d’efficacité, et parfois de la « maladaptation », soit quand une politique d’adaptation génère des effets néfastes et non désirés. Les efforts d’adaptation actuels sont jugés insuffisants, notamment en terme de montant d’investissements. Enfin, les engagements actuels pris par les États pour contenir le réchauffement à +1,5°C à l’horizon 2100 ne vont pas suffire, le Giec estimant que les efforts actuels nous dirigent vers un réchauffement de 2,8°C.
Les émissions de GES continuent d’augmenter et le réchauffement risque donc de s’accélérer, avec l’atteinte des +1,5°C à court terme (d’ici 2040). Cela va conduire à des évènements climatiques extrêmes plus intenses (moussons, sécheresses, inondations, …) et des pertes et dommages considérables. Les interactions entre les risques climatiques et les risques non climatiques vont s’intensifier, rendant plus complexes la gestion des impacts climatiques. Exemple : le manque d’eau va impacter la production agricole, et donc l’alimentation et la santé ; ou encore les inondations, les glissements de terrain, le manque d’eau vont avoir de graves conséquences sur les personnes, les infrastructures et l’économie.
Les espoirs des scientifiques
« Certains changement sont inévitables et irréversibles (comme l’élévation du niveau de la mer, NDLR), mais ils peuvent être limités si l’on réduit rapidement et intensément les émissions de GES », estime le Giec. Il faut donc agir vite, d’autant que les solutions d’adaptation qui sont jugés efficaces et d’ores et déjà applicables pourraient perdre de leur intérêt avec une augmentation du réchauffement. Il faut également veiller à éviter la « maladaptation », en adoptant des politiques « flexibles, multisectorielles, inclusives, et sur le long terme ».
Pour espérer limiter le réchauffement à 1,5 ou 2 °C, il faut donc mettre en place « dès maintenant » des politiques de neutralité carbone dans tous les secteurs au cours de cette décennie, souligne le rapport.
Agir à la fois sur l’adaptation et l’atténuation
« La fenêtre pour s’assurer un futur durable et vivable est en train de se refermer rapidement », pointe le rapport. Pour ne pas rater le coche, il faut intensifier la coopération internationale, travailler sur l’adaptation et l’atténuation, développer des politiques coordonnées avec une gouvernance élargie, mais aussi permettre à tous – et surtout les plus vulnérables, qu’il s’agisse de pays ou de groupes d’acteurs – d’avoir accès à des moyens financiers adéquats.
Pour ne pas se limiter à ce constat inquiétant, le Giec souligne qu’il existe « des solutions d’adaptation et d’atténuation qui sont efficaces, applicables et peu coûteuses », et qui peuvent varier d’une région à l’autre. Il faut les employer pour que se fassent « des transitions rapides et de grandes envergures », que cela concerne l’agriculture, l’industrie ou encore les systèmes urbains.
L’importance de la justice sociale
Le groupe d’experts appelle également à veiller à ce que ces processus de transition se fassent dans une logique « d’inclusion, d’équité et de justice sociale », ce qui permettra de les rendre plus acceptables et de devenir plus résilients. Cela passera par des changements de comportements et de modes de consommation pour réduire l’impact climatique, ce qui pourra aussi être source de bien-être.
Dernier message pour les décideurs locaux : c’est « la volonté politique qui permettra une action climatique efficace ». Il faudra qu’elle s’accompagne d’objectifs clairs, d’une gouvernance ouverte, en travaillant tout à la fois les cadres institutionnel et réglementaire, avec des politiques et des stratégies qui faciliteront l’accès aux technologies et aux moyens financiers. Enfin, le Giec estime que les moyens financiers actuels sont suffisants, mais constate qu’il existe encore des freins pour réorienter le capital dans l’action climatique.