Réforme des retraites : les départements redoutent une explosion du RSA

Les départements ont voté contre le projet de loi sur les retraites lors du conseil de la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie (CNSA). Ils redoutent que le décalage de l’âge légal à 64 ans fasse rester plus longtemps les bénéficiaires au revenu de solidarité active (RSA) et donc augmente leurs dépenses sociales. Les économistes se veulent pourtant rassurants.

Chiffres clés

  • D’après la Drees, 1,4 million de personnes âgées de 53 à 69 ans ne perçoivent ni revenu d’activité ni pension de retraite.
  • Elle évalue à environ 150 millions d’euros de dépenses supplémentaires de RSA le décalage de l’âge légal de 62 à 64 ans, soit environ 30 000 allocataires en plus.

Les départements craignent de faire partie des victimes collatérales de la réforme des retraites. En effet, si le recul de l’âge légal de départ en retraite permet de faire des économies sur les finances publiques, il devrait induire en parallèle une augmentation d’autres dépenses sociales, notamment de RSA. Actuellement une partie des bénéficiaires de cette allocation peuvent prendre leur retraite à 62 ans, demain, ils devront attendre 64 ans si la réforme passe… et donc devront toucher très certainement le RSA pendant deux ans de plus, au frais des conseils départementaux.

Opposition des départements

C’est la raison pour laquelle les représentants des départements – de gauche comme de droite – ont voté contre le PLFRSS pour 2023 lors du conseil de la CNSA, le 3 février 2023. Pour expliquer leur vote, les présidents de départements présents (1) ont regretté « la brutalité et l’injustice sociale » de cette réforme qui va « faire porter l’équilibre du régime sur les personnes qui sont au porte de la retraite, c’est-à-dire les salariés seniors dont 40% ne sont déjà plus en emploi ». La Drees dénombre 1,4 million de personnes âgées de 53 à 69 ans qui ne perçoivent ni revenu d’activité ni pension de retraite.

Les départements sont convaincus que la réforme des retraites mais aussi celle de l’assurance-chômage « auront des impacts sociaux ; notamment sur l’évolution du nombre d’allocataires du RSA de plus de 50 ans dont les perspectives de retour à l’emploi demeurent minces puisque ces politiques de fragilisation sociale ne s’accompagnent pas d’une réforme de l’emploi des seniors et de dispositions insuffisantes en matière de pénibilité ».

Un avis partagé par Fédération nationale de la Mutualité française. Elle estime dans un communiqué que “le seul paramètre de l’âge de départ à la retraite est insuffisant pour atteindre l’équilibre global du système en répercutant des dépenses sur d’autres branches de protection sociale”.

Mais pour Patrick Aubert, économiste à l’Institut des politiques publiques (IPP), cet effet en chaîne sera moins massif que lors du précédent décalage de l’âge légal. « Il y a deux différences de taille dans cette réforme par rapport à celle de 2010 : pas de décalage de l’âge d’annulation de la décote et pas de modification de l’âge de départ à taux plein pour les retraites pour inaptitude », analyse-t-il.

D’après une étude de la Drees d’octobre 2016, la réforme de 2010 avait entrainé entre 125 000 et 150 000 bénéficiaires supplémentaires d’une pension d’invalidité entre 60 et 62 ans, et environ 80 000 allocataires supplémentaires de l’un des trois principaux minima sociaux, dont le RSA.

Selon nos calculs réalisés à partir des chiffres de la caisse d’allocations familiales, entre 2009, avant la réforme, et 2016, quand le recul de l’âge de départ est entré en vigueur pour tous, le nombre d’allocataires du RSA âgés entre 60 et 64 ans a augmenté de 114% ! Sur la même période, le nombre d’allocataires total du RSA n’a augmenté “que” de 75%.

30 000 allocataires supplémentaires si l’âge légal passe à 64 ans

Concernant la réforme actuelle d’Élisabeth Borne, les prévisions sont plus optimistes. La Drees estime que l’effet sur le RSA sera « globalement assez faible ».  Dans une note adressée au Conseil d’orientation des retraites, elle l’évalue à environ 150 millions d’euros pour un passage de 62 à 64 ans, soit 30 000 allocataires supplémentaires par an. Elle souligne que pour cette réforme les conséquences seront « concentrée sur les personnes de 62 et 63 ans ».

La Drees justifie son estimation par l’absence de diminution très importante du nombre de bénéficiaires du RSA autour de l’âge d’ouverture des droits à la retraite. « Les bénéficiaires du RSA ont souvent des carrières incomplètes et donc ils prennent déjà leur retraite plus tard vers 67 ans, le seuil pour obtenir le taux plein », complète Patrick Aubert. Et il ajoute que certains pourront se faire reconnaître inapte au travail et donc ne seront pas concernés dans ce cas par le décalage de l’âge légal. « Parmi l’ensemble des retraités de la génération 1950, 7% de retraités sont partis au titre de l'(ex-)invalidité, et 8% sont partis au titre de l’inaptitude au travail », précise-t-il.

Mais les départements ne sont pas pour autant sorti d’affaire car le recul de l’âge légal devrait aussi entraîner une hausse du taux de chômage entre 0,2% et 0,9% à horizon 5 ans selon une modélisation macroéconomique construite par l’Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE). Or avec la réduction de 25% de la durée d’indemnisation des demandeurs d’emploi dans le cadre de la réforme de l’assurance chômage entrée en application le 1er février 2023, certains chômeurs pourraient rapidement se retrouver au RSA. « En théorie on s’attend à ce qu’il y ait un peu moins de gens au chômage et un peu plus au RSA », confirme Patrick Aubert.

L’autre conséquence possible pour les finances des départements est plus lointaine. Elle concerne les aidants des personnes âgées dépendantes. « Il est possible que des personnes qui pourraient être aidantes soient beaucoup moins disponibles pour aider leur parent dépendant à cause de la réforme des retraites et donc sollicitent davantage l’Allocation personnalisée d’autonomie avant la retraite ». Ce risque est toutefois « très indirect » pour les finances des départements souligne Patrick Aubert. Mais pour les départements, en plein retournement des droits de mutation à titre onéreux (DMTO), chaque dépense compte.

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