…j’écrirais un texte pour annoncer la suspension de la réforme des retraites et expliquer que faire cela, ce n’est pas céder à la rue mais entendre les inquiétudes des Français.
par Thomas Legrand
«Mes chers compatriotes,
«La mobilisation de l’ensemble des organisations syndicales, suivie par un nombre impressionnant d’entre vous et regardée favorablement par une grande majorité de Français, me conduit à demander à la Première ministre de suspendre l’examen du projet de loi reportant l’âge légal de départ à la retraite à 64 ans.
«-[Moue grave et ferme] -Je n’ai pas changé d’avis sur la nécessité de sauver notre régime de retraite par solidarité, dont nous avons raison d’être si fiers. C’est justement parce qu’il s’agit d’un système basé sur la solidarité entre les générations qu’il faut, pour le réformer, l’assentiment le plus large. A l’évidence, cette exigence n’est pas atteinte.- [Lent zoom avant] -J’écoute, depuis le début de ce mouvement calme, massif, pacifique… J’écoute ce que les Français disent et se disent. Ces témoignages, ces vies de labeur racontées, ces jeunes retraités qui évoquent leurs activités associatives ou familiales non rémunérées et si utiles. J’entends cette aspiration à mieux travailler, à redonner du sens à nos efforts quotidiens. J’entends aussi toutes les idées qui s’échangent à l’occasion de ce grand débat informel et populaire, qui est le propre des mouvements sociaux dont notre pays a le secret.- [Marquer un temps, comme une respiration arrêtée, pour bien souligner que ce qui vient est d’importance.]-
«-[Zoom arrière, prestance, relever légèrement le menton… Pas trop comme la dernière fois !]- Je suspends ce projet pour que nous prenions le temps, ensemble, de réfléchir à ce que doit être le travail en France, celui des jeunes tout juste sortis de formation, celui des femmes et des hommes dans la force de l’âge qui devraient pouvoir se former tout au long de leur vie pour pouvoir évoluer, celui des seniors encore en âge de travailler et que trop d’entreprises poussent vers la sortie.- [Pencher un peu la tête, compassion] – Nous devons aller plus vite pour réduire cette intolérable inégalité salariale entre les hommes et les femmes.
«-[Froncer légèrement les sourcils, avancer le buste]- Je ne renonce pas à sauver le régime par répartition, je ne renonce pas à l’idée qu’il faut, pas tous bien sûr, mais globalement, travailler un peu plus pour financer nos retraites.- [Serrer le poing droit sur la table, volontaire] – Je ne renonce pas à l’idée selon laquelle nous devons trouver les moyens de ne pas accroître la dette que nous laisserons à nos enfants.- [La main droite, plate, fait un geste tranchant]- Par conséquent nous devons sécuriser nos finances sans abîmer notre attractivité retrouvée, celle-là même qui nous rapproche du plein-emploi.
«La transition énergétique, la défense, le grand âge, la réindustrialisation… Nous avons tant de défis à relever que je ne veux pas que nous nous épuisions à poursuivre ce dialogue de sourds qu’est devenu le débat sur les retraites. Il faut tout remettre à plat. Je ne voudrais pas que l’on dise que seule la violence paie : voilà aussi pourquoi je réponds favorablement à ce grand mouvement responsable et serein. Ce mouvement, auquel vous avez participé ou que vous avez majoritairement soutenu, était digne. Je ne cède pas à la rue, j’entends les inquiétudes que nous n’avons pas su lever.
«-[Le ton baisse légèrement, sourcils froncés, injonction, autorité]- Je demande maintenant à toutes les organisations patronales d’accepter de participer à une grande conférence retraite qu’Elisabeth Borne présidera et qui se tiendra à Matignon l’été prochain. Nous avons cinq mois pour en dessiner les contours ensemble. Tout est ouvert. J’aimerais, à l’issue, qu’un projet soit arrêté, si possible avec la signature de toutes les organisations syndicales. Un projet qui pourra, le cas échéant, être soumis à référendum. Les Français savent se faire entendre, notre démocratie est vivante. Et j’en suis certain, nous saurons, ensemble, adapter pour sauver le legs de nos aïeux du Conseil national de la résistance.
-[Sourire complice, le «nous politique»]- Vive la République,
-[Au grave, menton haut – pas trop ! –, le «nous historique»] – Vive la France.»
Si seulement…