Parmi les solutions pour réduire les coûts de l’énergie, la géothermie de surface n’a pour l’instant été adoptée que par une cinquantaine de piscines pour chauffer l’eau, l’air, voire refroidir l’atmosphère. Il s’agit essentiellement d’une solution connectée à la nappe phréatique qui, selon les établissements, couvre une partie et jusqu’à 100% des besoins de chauffage de l’eau et de l’air… Et répond, par endroits, aux enjeux énergétiques en période de crise.
À la Communauté de communes des 2 vallées (CC2V, Essonne), le centre nautique Alain Bernard (alors géré en délégation de service public par Vert Marine) a fermé fin septembre dernier, a priori pour l’hiver.
« Vue la hausse des prix de l’électricité, on s’apprêtait à multiplier notre facture par trois ou quatre cet hiver », commente Gaël Boué, directeur général de la collectivité de 15 communes, pour 20 000 habitants… Quid de la géothermie qui couvre quelque 80% du chauffage de l’eau et de l’air, le reste étant complété par le gaz ?
Une nappe peu profonde
« Grâce à la géothermie, la hausse du prix du gaz n’a quasiment aucun impact sur ce budget, poursuit le directeur. Mais l’envolée de l’électricité change la donne… La géothermie requiert de l’électricité pour extraire l’eau et récupérer son énergie via une pompe à chaleur. En temps normal, c’est parfait. En temps de crise énergétique, ce traitement représente toujours une consommation. »
Le choix de la géothermie s’était imposé lorsqu’en 2016-17, la CC2V a construit un centre nautique à Milly-la-Forêt. À la fois pour des raisons de terrain -ici, la nappe phréatique est très proche de la surface, et dans une perspective de développement durable et sobre. Cette technologie, pointe Pascal Simonnot, président de la CC2V, « en tenant compte de la consommation électrique de la pompe à chaleur (Pac) et de l’appoint de la chaudière gaz à condensation, permet d’économiser près d’un million d’euros sur 15 ans par rapport à un système 100 % gaz. »
Se passer du gaz
Un terrain favorable et une volonté de réduire sa facture de gaz sont deux motivations récurrentes des collectivités qui choisissent la géothermie, dans une démarche, aussi, de développement durable. Ainsi, à Moulins communauté (Allier, 64 500 habitants), la proximité avec l’Allier a orienté le choix des élus quand, en 2006-2007, ils ont fait construire le centre nautique Ovive, équipé d’un dispositif de géothermie avec deux forages de pompage et deux de réinjection, à seulement douze mètres de profondeur.
Idem dans la communauté de commune du Bonnevalais (28, 12 000 habitants), à Bonneval, dans le centre Val-de-Loire, pour la construction, il y a huit-neuf ans, du centre Oceanide. Les élus cherchaient à remplacer le gaz, écartant d’abord la biomasse ou le Miscanthus -peu présents localement, et le photovoltaïque -gourmand en toiture, pour finalement se tourner vers la géothermie de nappe, possible grâce à la nappe de Beauce, à 30-40 mètres en sous-sol, et aux débits très importants… « À un moment où le gaz s’envolait, dit Dominique Imbault, vice-président, le choix de la solution énergétique a été unanime. »
80 à 100 % des besoins thermiques
Résultat, pour l’élu, « après trois ans de fonctionnement, le pari est réussi ; la géothermie assurait l’intégralité de l’énergie thermique toute l’année ». La pompe à chaleur géothermique, couvrant 80 % des 1 771 MWh des besoins thermiques utiles globaux annuels, chauffe l’eau des bassins, les locaux par planchers chauffants et par centrale traitement de l’air (CTA), déshumidifie des bassins et préchauffe à 40-45° l’eau chaude sanitaire (ECS). « Cette eau, qui doit atteindre 65°, finit ensuite d’être chauffée au gaz », précise Jérôme Muguet, directeur du centre aquatique.
Mêmes services couverts au centre Ovive, à Moulins, auxquels Alexandre David, directeur des services techniques, ajoute « le refroidissement de l’air. La Pac représente une petite moitié -47%- de la consommation totale électrique de la piscine, de 2500 mégawattheures par an. Et nous enregistrons en moyenne un coefficient de performance de 5,9 (1)… Ce qui est très performant. Nous avons une chaudière électrique de secours sur le système (ici, pas de gaz, ndlr). Mais elle ne fonctionne quasiment jamais, sauf en cas d’intervention technique sur la Pac ».
Maintenance réduite
Les interventions techniques ? Elles sont, selon l’Ademe, peu courantes et les coûts d’exploitation le plus souvent réduits avec les installations de géothermie de surface, avec une durée de vie des forages estimée à 50 ans, à 17 ans pour les pompes à chaleur, un temps de retour sur investissement entre 9 et 13 ans (mais qui peut être réduit jusqu’à cinq ans avec des aides). L’installation fonctionnant aux trois-quarts à partir de l’énergie gratuite du sous-sol.
Jérôme Muguet, à Bonneval, ne note « aucun entretien au quotidien, mais une révision tous les cinq ans des compresseurs de la pompe ». À Moulins, où la Pac, plus ancienne, montrait en août des signes de faiblesse et ne conservait fin 2022 qu’un tiers de sa capacité de chauffage, la collectivité a privilégié l’ouverture des deux bassins sportifs et d’apprentissage, au détriment de la partie ludique (pataugeoire, toboggan, bassin ludique) qui ne rouvrira qu’en février, une fois la pompe changée.
Face à la crise
« Nous avons préféré tourner avec la Pac en utilisation restreinte, pour ne surtout pas arrêter l’apprentissage de la nage et les cours des scolaires, mais sans passer sur la chaudière électrique de secours, explique Alexandre David. Notre contrat d’électricité bloque nos prix jusqu’en décembre prochain, ce qui nous laisse un peu de temps pour ajuster notre consommation à la hausse des prix. Avec cette nouvelle Pac géothermique plus performante, en particulier. Mais aussi grâce à toute une série de mesures de sobriété. Nous allons compléter le remplacement en leds de tous les luminaires et poursuivre l’installation de matériels plus sobres. Nous avons ainsi mis en place des moteurs à vitesse variable sur nos pompes et, en 2018, le système d’Onsen qui récupère l’énergie des eaux usées des douches et pédiluves pour préchauffer l’eau que l’on remplace chaque jour… Il faut vraiment aborder la consommation de manière globale face à la crise. »
À Bonneval, Jérôme Muguet se félicite d’avoir « amélioré l’an dernier la consommation d’électricité et de gaz par rapport à 2019 », tant grâce à une meilleure connaissance du système de Pac que grâce à des mesures d’économie, comme le passage de l’éclairage en led ou la vérification des pompes et filtres. Mais, compte tenu de l’inflation, le centre dépassait l’an dernier son prévisionnel de quelque 20 000 euros pour la consommation d’énergie…
Pour le directeur, « la suite dépendra aussi de la révision des contrats de la collectivité ». Mais « pas question de fermer la piscine ». D’autant que, compte tenu des fermetures d’autres établissements, « la fréquentation du centre a augmenté ».