Alors que s’est ouverte la 27e conférence de l’ONU sur le climat (COP) à Charm el-Cheikh en Egypte, Davide Faranda, chercheur au laboratoire des sciences du climat et de l’environnement du CNRS revient pour « La Gazette » sur les événements extrêmes qui ont marqué les esprits cet été. Et qui ne vont faire que s’aggraver.
Comment expliquer cet épisode exceptionnel de chaleur, d’orages et de sécheresse qu’a connu la France au mois d’octobre ?
Il est dû à la présence d’une goutte froide persistante située entre le Portugal et la France. Il s’agit d’une zone de basses pressions qui fait tourner l’air dans le sens inverse des aiguilles d’une montre autour de son centre et fait remonter de l’air chaud venu d’Afrique, par un effet de tapis roulant, jusqu’à l’Hexagone. A l’interface de cet air chaud et de l’air plus frais venu de l’océan apparaissent des orages violents, susceptibles de générer des tornades comme celle qui a touché le Pas-de-Calais et la Somme, le 23 octobre. La position de cette goutte froide a déterminé l’alternance entre vagues de chaleur et conditions orageuses, cet été.
Le phénomène de goutte froide est-il nouveau ?
Non. Ce qui est exceptionnel cette année, c’est la persistance de la goutte froide et surtout au même endroit, sur le proche Atlantique. Des analyses sont en cours pour quantifier la part du changement climatique dans ce phénomène. Des tendances se dégagent. Depuis cinq ans, les gouttes froides se multiplient. Nous essayons de comprendre pourquoi. Il est possible que la différence de températures entre le continent et l’océan, qui est de plus en plus importante avec le changement climatique, soit en cause. La terre se réchauffe plus vite que l’eau. La position des courants jets – ou « jet stream » –, ces vents qui font le tour du globe, joue aussi un rôle dans l’apparition des gouttes froides. Il faut qu’ils soient plus au Nord que d’habitude pour laisser la place aux gouttes froides. C’est ce qui s’est passé cette année, un phénomène que le changement climatique pourrait amplifier.
Les orages violents pourraient donc se multiplier dans les années à venir ?
Oui. D’ailleurs, le groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (Giec) nous met en garde sur des orages plus fréquents et intenses avec le changement climatique. Les orages de l’été 2022 et, en particulier, le monstre qui a touché la Corse le 18 août, sont un avant-goût des phénomènes extrêmes du climat futur. Pour rappel, cet orage qui est parti des Baléares a touché la Corse, la Toscane et l’Autriche, 100 000 éclairs ont émaillé son parcours, les grêlons ont atteint la taille de 11 centimètres et les rafales de vent, jusqu’à 225 kilomètres/heure. Il a causé douze décès. Des orages d’une telle importance, avec des vents de plus 120 kilomètres/heure et un territoire touché d’une surface de plus de 300 kilomètres carrés, sont appelés « derechos ». Ils sont exceptionnels : on en a dénombré seulement trois en France depuis 1979, année où l’on a pu commencer à les caractériser grâce aux données satellites. Nous venons de démontrer que le changement climatique a joué un rôle important dans la genèse de ce phénomène.
Qu’avez-vous observé ?
La puissance de cet orage, et notamment l’importance des précipitations, s’explique par la température très élevée de la mer Méditerranée, 3 à 5 °C au-dessus des normales de saisons. Ce qui est directement imputable au changement climatique. Aujourd’hui, on observe encore des anomalies de température en Méditerranée qui sont actuellement concentrées sur le sud de la Sardaigne et la Sicile, où il n’a pas beaucoup plu depuis des mois. Ces anomalies sont susceptibles de créer des phénomènes extrêmes comme des derechos ou des ouragans caractérisés par des vents tournants.